On me dit souvent : ne choisis pas ton camp. Ni Netanyahou, ni le Hamas. Ni les colons, ni les kamikazes. Ni les tanks, ni les tunnels. Reste au-dessus de la mêlée, dans le confort moral de l’équilibre. Comme si l’équilibre, ici, n’était pas déjà un aveu.
Alors on raconte. On déroule l’Histoire : le sionisme d’abord socialiste, le rêve d’un refuge, les pogroms en Europe, les discriminations dans les pays arabes. La main tendue, la guerre qui fige tout, la fuite des Palestiniens, les refus des voisins arabes. Les faits sont connus, les versions s’opposent, les justifications s’empilent.
Et toujours cette phrase, comme un couperet : critiquer Israël, c’est frôler l’antisémitisme.
Un couperet brandi par les droites et extrême droite par pur opportunisme. Pas envies d’être des senseurs qui crient
Rima Hassan, LFI, les gauchistes, tous suspects. Coupables de vouloir qu’on regarde Gaza en face.
Mais à force de parler d’équilibre, on oublie l’essentiel.
On oublie les colons armés qui expulsent des familles en Cisjordanie. On oublie les checkpoints, l’humiliation systématique. On oublie les 60 000 morts à Gaza, et ceux qui disent que ce n’est « pas encore un génocide ». On oublie les hôpitaux rasés, les enfants ensevelis, les journalistes tués. On oublie que la mort, elle, ne fait pas de distinction.
On oublie aussi que dans cette guerre, ceux qui refusent la violence sont trahis des deux côtés. Les objecteurs israéliens sont traités de traîtres. Les Palestiniens qui ne veulent ni le Hamas ni les armes sont bombardés quand même.
Alors oui, j’ai choisi.
Je choisis le camp qui fera cesser le massacre de Gaza. Celui qui refusera de transformer une terre en vitrine sécuritaire ou en Riviera pour milliardaires messianiques. Celui qui refuse que l’Histoire serve d’excuse à l’horreur présente.
Je choisis le camp des vivants. Des enfants, des soignants, des civils. Des Juifs et des Palestiniens qui refusent qu’on parle en leur nom. Des femmes qui cherchent leurs enfants sous les gravats. Des jeunes qui disent non aux armes.
Et si ce camp n’existe pas encore, tant pis. Je l’invente.
Parce qu’à force de dire que c’est compliqué, on justifie l’injustifiable.
Et à force de justifier l’injustifiable, on tue.
Guy Masavi
