Gérard Larcher,
un monument sénatorial au fumet de civet
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Je m’étais promis de ne jamais écrire sur Gérard Larcher. Trop facile, pensais-je. Trop évident. Trop gras, surtout. Et puis un jour, j’ai croisé son regard sur une affiche dans le métro, enfin, son double mentonnier et j’ai compris que le devoir journalistique, parfois, commence dans l’indigestion.
Gérard Philippe René André Larcher (oui, trois prénoms, comme s’il avait peur qu’on ne le retrouve pas sur les registres des notables), est né en 1949 à Flers, dans l’Orne ce qui, déjà, pose un cadre : la ruralité corsetée, le protestantisme tardif pour épouser une luthérienne et l’amour des chiens qui bavent dans des clairières brumeuses.
Vétérinaire. Sénateur. Président. Maire. Grand défenseur du droit à la chasse et opposant à l’IVG constitutionnelle.
La trajectoire de cet homme, c’est un mille-feuille de conservatisme en sauce brune. Il commence par soigner les chevaux, il finit par les monter politiquement. Larcher, c’est le centaure inversé : la tête du pachyderme et les jambes en forme de fauteuil Louis-Philippe.
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Le mammouth du Sénat
Cela fait plus de 40 ans qu’il broute paisiblement dans les hautes herbes du Sénat, cette maison de retraite dorée pour cumulards en voie de fossilisation. Il y préside depuis 2008 (avec une courte pause pour digérer Jean-Pierre Bel). Depuis, il trône au Petit Luxembourg, ce palais qu’il traite comme une gentilhommière : salon Empire, voix caverneuse, et clochettes pour appeler le port de la cravate obligatoire.
Il parle lentement, avec cette voix de buffet en bois massif qu’on n’ose plus ouvrir. Quand il dit « contre-pouvoir », il pense « rente républicaine ». Quand il défend les « territoires », il pense chasse à courre, mairie en famille et gare SNCF sauvée pour les élections.
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Modéré, mais dans le genre médiéval
Larcher se dit chiraquien. En langage codé, cela signifie : clientéliste, éleveur d’amitiés indéboulonnables, et amoureux de la France des sous-préfectures. Il est pour les foulards mais contre les gays. Il trouve que l’islam est compatible avec la République, tant qu’il se tient à carreau et qu’il évite Rambouillet. Il a défilé contre le mariage pour tous, mais pas contre les privilèges de caste.
Il défend les sénateurs comme on défend une espèce en voie d’extinction… sauf que ceux-là pondent des lois inutiles à la chaîne et coûtent plus cher qu’un panda albinos sous anxiolytiques.
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Le vétérinaire des puissants
Il a soigné des chevaux, certes, mais c’est surtout le garrot fiscal et la muselière sociale qu’il pose en artisan du vieux monde. Il parle retraite à 65 ans en assurant que « c’est indispensable », tout en s’opposant à la réforme du régime spécial des sénateurs. Cohérence ? Non. Culot ? Absolument.
Il a proposé sept heures de travail gratuit par an. L’idée ne vient pas d’un roman de Zola, mais bien de l’esprit d’un homme qui confond charité chrétienne et astreinte républicaine.
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L’homme à la 4L
Il aime sa Renault 4L, comme une relique de la France giscardienne. Il s’y cramponne comme à ses idées : toutes d’un autre siècle. Il pêche à l’Île-de-Batz, traque les renards en vénerie et collectionne les médailles comme un adjudant retraité un peu pompette.
Et puis il y a cette phrase, la sienne : « Je ne dis jamais non par dogmatisme, ni oui par principe. »
Traduction : il dit oui à la droite molle, non à la gauche molle. Et puis il y a son ventre, immense, rassurant, républicain, dans lequel semble s’être logé tout un Sénat.
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Conclusion en rôtisserie
Gérard Larcher n’est pas un ogre, c’est une dinde truffée. On le gave de pouvoir et il le restitue en sauce. Il incarne la majesté ronronnante de la République des notables, avec ses dorures, ses soupirs, ses hommages aux haras et ses silences complices avec l’extrême droite lorsqu’il faut choisir entre deux hémicycles.
Il finira peut-être au Panthéon des modérés, entre un maréchal féru de chasse et un encyclopédiste oublié. Ou dans une salle des fêtes à son nom, inaugurée en grande pompe, entre un buffet froid et une citation creuse.
En attendant, il préside. Comme un chandelier.
Lourd, brillant, inutile.
Mais toujours allumé.
Guy Masavi
https://www.atramenta.net/authors/guy-masavi/1981
Illustration issue de l’IA
