On n’éduque plus, on administre la peur

chronique d’un coup de règle raté sur les doigts de l’enfance

Gabriel Attal a voulu faire le maître d’école.
Mais le Conseil constitutionnel, en vieux directeur d’établissement républicain, lui a arraché la baguette des mains. Et l’a renvoyé à sa copie, griffonnée à la hâte dans les marges de la fachosphère, avec cette mention en rouge : « Hors-sujet. Punir n’est pas éduquer. »

Il faut les imaginer, jeudi soir, dans les bureaux lambrissés de la République. Les robes bien repassées des « Sages » face aux gros godillots de la majorité, lustrés chez Darmanin & Fils. Une réforme pensée à chaud, votée à froid, et censurée à sec. Pas un article ou presque qui tienne debout.
On appelle ça un désaveu.
Ou une gifle.
Ou, pour parler comme Retailleau, un “retour au cadre idéologique contraignant” – ce vieux machin appelé État de droit.

Parce que dans la classe d’Attal, les mômes de 16 ans n’ont pas d’histoire.
Pas de vécu, pas de contexte, pas de juge pour les écouter. Juste un prétoire en mode fast-food : tu récidives, tu dégages.
Mais le Conseil, lui, s’est souvenu d’un autre temps. Celui de 1945, quand une société sortie du chaos avait décidé que l’enfance méritait mieux que la matraque.
Et que même quand un gamin fait une connerie, on commence par chercher l’éducatif. Pas le box des accusés.

Alors ils ont dit non.
Non aux comparutions immédiates pour ados sans défense.
Non à la détention provisoire à rallonge, en mode « préventive éternelle ».
Non à la rétention sauvage par la police, sans juge, sans recours, sans lumière.
Ils ont dit que non, un gosse, ce n’est pas un adulte miniature qu’on expédie à la chaîne.
Ils ont rappelé que la justice des mineurs, ce n’est pas la foire aux peurs mais un principe fondamental reconnu par les lois de la République – l’un de ces trucs poussiéreux que les Attal, Bardella et Retailleau voudraient troquer contre un bon vieux pilori.

Mais ne vous y trompez pas.
Si le Conseil a renvoyé les apprentis bourreaux à leur cartable, il en a laissé un sur le banc de la punition : les parents pauvres.
Eux, on pourra les charger. Les surcharger.
Jusqu’à 45 000 euros d’amende si leur môme dérape et que l’État considère qu’ils ont été « défaillants ».
Même sans qu’ils soient au courant. Même s’ils galèrent. Même s’ils dorment dans une bagnole.
Parce que dans la tête des technos, la pauvreté, c’est une faute morale.
Et dans celle des droites, c’est presque un crime héréditaire.

Mais voilà.
La République a ses humeurs, et ses contrepoids.
Elle a des enfants.
Et parfois, elle se souvient qu’elle doit les protéger.
Contre la violence.
Contre l’abandon.
Et contre ceux qui rêvent d’en faire des coupables avant qu’ils soient même responsables.

Alors on recule un peu.
On se dit que ce n’est pas encore l’ère des bagnes scolaires.
Que la justice, même à genoux, a encore quelques muscles.
Et qu’Attal, ce soir-là, a appris que même dans les hautes sphères, on peut se faire taper sur les doigts.

Sans atténuation.
Mais avec raison.

https://www.atramenta.net/authors/guy-masavi/1981

Dessin d’illustration issue d’une IA

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