Les trois visages de la même guerre
Chronique d’un monde qui se referme
Je regarde le monde et j’ai l’impression d’un rideau qui tombe. Lentement, méthodiquement. Pas comme dans un théâtre où la pièce serait finie, non, comme dans une chambre sans fenêtres, où l’air commence à manquer.
Gaza.
Los Angeles.
Paris.
Trois villes. Trois climats. Trois langues.
Mais une même logique à l’œuvre : celle de la guerre.
Pas partout celle des bombes. Mais celle, plus insidieuse, de la séparation, de l’assignation, du soupçon.
La guerre contre l’autre.
Et toujours le même refrain des droites et extrêmes droites, designer des ennemies.
Le palestinien, le musulman, le mexicain. En inventer de l’intérieur le woke, l’islamogauchisme, l’ eco terroriste. Des menaces fantasmées : l’entrisme des frères musulmans, le narcotrafic, histoire de pondre quelques mesures de surveillance ou des lois répressives qui s’adresseront tôt ou tards à tous.
Je ne suis jamais allé à Gaza. Mais je lis. Je regarde. Je tente de comprendre.
Ce qui se passe là-bas dépasse la tragédie. C’est une politique de l’effacement. Une tentative d’éteindre un peuple comme on éteint un incendie gênant : à grand renfort d’explosifs, de siège, de famine, de déshumanisation.
Netanyahou ne gouverne pas. Il assène.
Il parle de « défense » avec les mots d’un bourreau.
Et dans ce bain de feu, il n’est pas seul. Il est entouré d’une extrême droite religieuse qui parle d’anéantissement comme d’un devoir sacré.
Et pendant que les enfants meurent, l’Occident cherche ses mots.
Non pas pour condamner, mais pour éviter de le faire.
On parle de « droit d’Israël à se défendre » pendant que Gaza s’effondre, quartier par quartier.
C’est cela, la guerre que mène l’extrême droite israélienne : une guerre où l’ennemi n’a pas de nom, parce qu’il n’a plus le droit d’exister.
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De l’autre côté du globe, c’est Los Angeles qui vacille.
Trump, deuxième mandat. Même colère. Même cible. Même mise en scène.
Il y a quelques jours, il a envoyé l’armée contre des manifestants qui s’opposaient aux expulsions.
Des jeunes, des vieux, des gens qui tendaient la main à d’autres qu’on voulait mettre dans des avions.
Et Trump a sorti les chars. Pas pour restaurer l’ordre, mais pour imposer la peur.
La peur comme méthode de gouvernement. La force comme langage.
Je me souviens de cette photo d’une fillette arrêtée en pleine rue. Elle portait un sac à dos rose. Elle regardait les soldats comme on regarde un cauchemar éveillé.
Et je me suis dit : voilà. Voilà ce qu’est devenu ce pays.
Une démocratie où la compassion est une faiblesse.
Où l’étranger est un suspect.
Où aider un migrant est un acte criminel. Où les Républicains ont viré à l’extrême droite.
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Et puis il y a la France.
Notre douce France, républicaine, égalitaire sur le papier.
Chez nous, on n’a pas besoin de tanks. On a mieux :
des circulaires, des lois, des dissolutions administratives.
Des préfets zélés.
Des ministres comme Retailleau, qui répètent chaque semaine qu’il faut « reconquérir » la République. Comme si elle avait été volée. Comme si elle ne se partageait pas.
Retailleau, c’est l’extrême droite propre sur elle.
Celle qui parle bien, qui cite Tocqueville, mais qui rêve de mettre les pauvres hors-champ, les migrants hors-sol, et les musulmans hors-jeu.
Et il n’est pas seul.
Le gouvernement, dans sa pâle imitation du Rassemblement National, s’aligne.
On expulse à tour de bras.
On muselle les associations.
On criminalise les mots.
La solidarité devient un soupçon, le droit un privilège, l’étranger un problème.
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J’essaie de ne pas me laisser glisser dans la paranoïa. Mais parfois, j’ai l’impression que tout est déjà là.
Que la frontière n’est plus géographique, mais mentale.
Qu’elle sépare ceux qui ont peur de ceux qui fuient.
Ceux qui défendent leur confort de ceux qui risquent tout.
Je regarde Gaza sous les bombes, et je vois ce que produit une extrême droite livrée à elle-même.
Je regarde Trump et ses chars, et je vois comment elle fabrique un état de guerre intérieure.
Je regarde la France et je comprends que le glissement n’est plus théorique. Il est en cours.
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Il y a quelque chose d’étrange à vivre dans une époque où la guerre est partout, sans qu’on la déclare vraiment.
On parle de sécurité, d’identité, de valeurs.
Mais derrière ces mots, c’est toujours le même visage :
celui d’un monde qui se referme sur de vieilles rengaines qui ont fait fureur dans les années 30 pour aboutir au bain de sang que l’on sait.
Et ce monde a trois visages :
celui de Netanyahou, sûr de son impunité.
Celui de Trump, sûr de sa force.
Celui de Retailleau, sûr de son bon droit.
Il y en a bien-sûr d’autres comme : le Nationalisme guerrier de Poutine évidemment qui sème la mort en Ukraine, mais aussi Victor Orban encore un peu bridé par l’Europe. Mélonie en Italie. l’Iran bien sûr l’islamisme politique est un fascisme, même obsessions natîonaliste avec le piment de la charia. La Chine … liste non exhaustive! Partout Il suffit de compter les prisons ou les femmes humiliées.
Tous la même boussole.
Celle de la peur.
Celle de la cogne
Celle de la guerre
Celle de l’autorité rétablie
Celle d’un ennemi désigné
Et derrière eux, des foules méthodiquement effrayées qui applaudissent et votent au nom de la sécurité ou de la « préférence nationale ».
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Mais il reste quelque chose. Un fil. Une étincelle.
À Los Angeles, des gens sortent quand même dans la rue.
À Paris, des associations continuent de tendre des couvertures aux exilés.
À Gaza, peut être, on écrit encore des poèmes, dans les ruines.
