Gaza : deux jours de carnage, un an d’aveuglement, trente ans de duplicité
17 mai 2025 — Pendant que les bombes continuent de déchiqueter des enfants, d’ensevelir des familles entières sous les gravats, et de carboniser les mots « droit » et « humanité », la communauté internationale a soudain une intuition. Un frisson. Une gêne, presque.
Il se pourrait, dit-elle du bout des lèvres, que l’État d’Israël, farouche défenseur des valeurs démocratiques à coups de F-16, soit allé trop loin.
Trop loin.
Comme si les 280 morts de mercredi à vendredi étaient une exagération.
Comme si les enfants de Jabalia démembrés ce samedi avaient déclenché, enfin, le seuil d’inhumanité tolérable par nos chancelleries si promptes à s’émouvoir d’une roquette artisanale sur Tel-Aviv.
Berlin « s’inquiète ». Rome « hausse le ton ». Paris « envisage ».
Washington, dans un accès de lucidité cynique, confesse que « beaucoup de gens sont affamés ».
Il a fallu 53 000 morts, des corps de bébés sortis calcinés, des hôpitaux rasés, pour que les Occidentaux découvrent que Netanyahou, ce grand défenseur de la liberté d’oppression, n’est pas exactement un prix Nobel de la paix.
Mais ce n’est pas de la culpabilité. C’est du malaise.
Un léger hoquet diplomatique devant l’abîme.
Un frisson gêné, entre un apéritif à Ramallah et une conférence sur les valeurs républicaines à Tel-Aviv.
Ils ont honte. Non pas de ce qui est fait. Mais que cela se voie.
Un récit construit sur le mensonge
Depuis plus d’un an, on nous a répété que Gaza était un nid de terroristes.
Que les enfants déchiquetés étaient les boucliers du Hamas.
Que les hôpitaux, les écoles, les mosquées n’étaient pas des lieux de soins ou de savoir, mais des tunnels de haine.
Et ceux qui disaient le contraire, ceux qui criaient à l’injustice, à l’apartheid, au colonialisme, on les a traités de « islamo-gauchistes », d’« antisémites », de complices de la terreur.
Aujourd’hui, les tartuffes baissent la voix.
Parce que les images sont trop nombreuses, trop atroces, trop nettes.
Parce que l’odeur du charnier devient indissociable de leurs intérêts économiques, de leurs contrats d’armement, de leurs ambitions électorales.
Parce qu’en face, même Trump – ce Trump – lâche un « beaucoup de gens sont affamés ».
C’est dire si la comédie touche à sa fin.
Les formules, encore et toujours
Et pourtant, toujours les mêmes figures :
- On « appelle à un cessez-le-feu », sans exiger qu’il ait lieu.
- On « exprime sa préoccupation », sans livrer de sanctions.
- On parle de « discussions difficiles », comme si les cris des enfants ensevelis étaient des désaccords sur des clauses tarifaires.
Mais il n’y a plus rien à négocier.
Gaza n’est plus une question de géopolitique. C’est une plaie ouverte.
Une plaie que les grandes puissances ont nourrie, armée, financée, puis niée.
Et qu’elles feignent aujourd’hui de découvrir gangrenée, en se demandant si le pansement d’un communiqué suffira.
L’Italie dit « ça suffit ».
La France songe à « réviser ses accords ».
L’Allemagne s’interroge sur le sort des otages.
Mais personne, absolument personne, ne dit que ce qui se passe est un génocide.
Personne ne dit que Netanyahou ne cherche pas la paix, mais l’anéantissement.
Personne ne rappelle que ce carnage s’est construit avec leur silence, leur complicité, leur acharnement à délégitimer toute voix palestinienne.
Hypocrisie occidentale
On les a vus, les Macron, les Scholz, les Meloni, applaudir Netanyahou pendant que les bulldozers rasaient les maisons.
On les a entendus, les Barrot, les Tajani, hurler contre ceux qui demandaient justice.
Et maintenant ? Ils versent une larme sur les ruines qu’ils ont patiemment contribué à bâtir.
L’indignation des puissants n’a pas d’odeur. Mais elle a toujours un timing.
Quand le sang devient trop rouge pour les écrans,
quand les cris traversent les vitrines des ambassades,
quand le mot « génocide » fait frémir les marchés —
alors seulement, ils découvrent leur conscience.
À crédit.
Sans intérêt.
Et surtout, sans conséquence.
Et pendant ce temps, en France…
Gaza brûle.
Les enfants meurent.
Et les démocraties occidentales récitent leur rôle :
consternées, concernées, mais toujours complices.
Et savez-vous quoi ?
Pendant que des enfants meurent de faim, que des corps d’adolescents sont extraits en morceaux des décombres d’écoles, que des hôpitaux implosent faute d’électricité, et que Gaza ressemble à une fosse commune à ciel ouvert…
Ici, en France, le grand sujet du moment, le best-seller des librairies,
ce n’est pas un reportage sur les crimes de guerre.
Ce n’est pas une enquête sur les livraisons d’armes.
Non.
C’est La Meute.
Un petit bijou d’obsession managériale contre La France insoumise,
un réquisitoire en col blanc, vendu comme un traité de salubrité démocratique.
On y décortique les « méthodes » de tel ou tel député.
On théorise sur les « dérives », pendant qu’un peuple entier est mis en pièces en direct.
Et si on écrivait un autre livre ?
Un recueil bien documenté sur les soutiens zélés de l’État israélien depuis le 7 octobre.
Un inventaire à la Prévert des bénédictions apportées par les partis de droite, du centre, et même de ce qu’il reste du PS, tous unis dans un même silence meurtrier.
On pourrait l’appeler :
« Les Hyènes »
Parce qu’il faut bien nommer les choses :
Ce ne sont plus des chiens de garde. Ce sont des hyènes.
Elles ne protègent plus la démocratie.
Elles la dévorent en ricanant.
Mais ce livre-là, vous savez quoi ?
Il ne trouverait pas d’éditeur.
Ni de tribune.
Ni de passage chez Léa Salamé.
Parce qu’ici, ceux qui appuient sur la gâchette symbolique du génocide de Gaza en soutenant la politique de Netanyahou
ne font jamais la Une.
Ils la signent.
