Sermon sur l’ennemi rêvé de l’imbécile en croisade

Éloge du Woke
(Sermon sur l’ennemi rêvé de l’imbécile en croisade — avec encens, sarcasme et côte de bœuf sanctifiée)

Mes biens chers frères dans la francité amidonnée,
Mes biens chères sœurs dans la pudeur républicaine triple A,
Mes bien-pensants oints par BFM et sanctifiés par CNews,

Aujourd’hui, que dis-je, aujourd’hui surtout, en ce joli mois de mai,
ce mois sacré qui enfanta jadis des barricades et des coquelicots
(aujourd’hui rebaptisés “terroristes chlorophylliens”)
l’Ennemi a un nom.

Un nom court, claquant, presque mignon, comme un hamster militant :

Le Woke.

Oui, mes amis, vous l’avez entendu tonner entre deux pubs pour assurances catho sur Radio Cathéchèse FM :

Le danger n’est plus la famine, ni le fascisme, ni même le krach climatique qui jaunit les vignes et les slips.

Voici l’ennemi suprême, désigné par l’extrême droite avec tremblement dans la voix et sueur dans le boxer :

  • Ce n’est plus le bolchévique barbu,
  • ni le migrant assoiffé de RSA,
  • ni même le pédé provocateur de piscine municipale,

Non, mes bien-aimés, c’est pire.
C’est :

  • le militant intersectionnel qui pleure devant Arte en mangeant des graines,
  • l’étudiant en sociologie qui lit Audre Lorde,
  • la professeure qui dit qu’une femme peut aimer une femme,
  • la citoyenne qui ose parler de son viol sans demander pardon.

Le Woke, mes frères, ce fléau de la conscience !
Ce péril absolu qui murmure à l’oreille du monde :

Et si on était… moins cons ?


Mais voyez-vous, ces malfaisants ne cassent rien.

Ils discutent. Ils débattent. Ils lisent, mes frères ! Ils lisent !
Dans des librairies associatives !
Là où l’islamo-gauchisme se vend en format poche avec dédicace inclusive.


Mais disons-le franchement, chers ouailles de la pensée rance :

Qu’est-ce qu’un Woke ?

  • Un hérétique du déni.
  • Un apostat de l’ordre établi.
  • Un sacrilège qui pense que la colonisation n’était pas un brunch bienveillant offert aux indigènes.
  • Un impie qui croit que deux hommes peuvent s’aimer sans rôtir dans l’huile sacrée.
  • Un déviant qui imagine que les femmes ne sont pas des Thermomix biologiques.
  • Et, comble de la perversion : un cycliste avec potager partagé.

Voyez le niveau de dégénérescence.


Mais enfin, que leur reproche-t-on, à ces wokes de malheur ?

D’avoir trop lu ? Trop pleuré ? Trop espéré ?

Oui, mes enfants. On leur reproche cela.

On les appelle :

  • ayatollahs de la vertu,
  • inquisiteurs de la bien-pensance,
  • totalitaires du tofu.

Une double peine.

Mais ouvrez les yeux :
Ceux qui hurlent au danger Woke sont les mêmes qui pleuraient la fin des colonies, la décadence, le Grand Remplacement et les pizzérias satanistes.

L’extrême droite n’a pas changé. Elle a juste mis une moustache sur son avatar Twitter.


Alors les croisés du bon vieux temps s’enflamment, version barbecue :

  • « Écologie punitive ! », en jetant leur pot d’échappement dans le bénitier.
  • « Ayatollahs de la salade ! », la bouche pleine de côte de bœuf bénie par Saint Rungis.
  • « Tyrannie du genre ! », tout en expliquant que le clitoris est un mythe woke.

Mais moi, je vous le dis, mes enfants :

  • Mieux vaut un Woke qui plante un arbre qu’un viriliste qui brandit une matraque.
  • Mieux vaut un père écolo qu’un patriarche cogneur.
  • Mieux vaut un tyran vert imaginaire que les vrais despotes en treillis.

Demandez-leur si le problème, c’est les Wokes :

  • Les Gazaouis massacrés,
  • Les Ukrainiens laminés,
  • Les profs censurés,
  • Les ados trans qui se pendent,
  • Les femmes qui avortent dans l’ombre.

Toi, mon frère en sueur devant une affiche inclusive,

Toi, mon cousin qui pense que Greta Thunberg est une marionnette reptilienne de Soros :

Réveille-toi.
La terre brûle.
Et tu pisses sur les extincteurs.


Le Wokisme, ce n’est pas un péril.

C’est un néon blafard qui éclaire la poussière sous le tapis républicain.

Le vrai danger ?
Ce n’est pas le sarouel. C’est l’arme qui le vise.

Refuser le féminisme, moquer les trans, relativiser le racisme, douter du climat, glorifier les colonies :
ce n’est pas la neutralité. C’est le programme de l’extrême droite.


Alors moi aussi, je lève la main

Pas pour une claque, mais pour un “encore”.

Oui, je suis Woke.

  • Woke comme Rosa Parks refusant de céder sa place.
  • Woke comme la négritude de Césaire en alexandrins.
  • Woke comme une lycéenne voilée rêvant d’astrophysique.
  • Woke comme un ado battu pour ses ongles vernis.

Woke, comme on est vivant.
Woke, comme on est imparfait mais lucide.
Woke, comme on est humain.

Le wokisme, c’est :
– la science contre le bullshit,
– la décence contre la barbarie,
– la mémoire contre le zapping.

Et si cela vous effraie…
C’est peut-être que votre histoire n’a pas fini de hanter les murs.


Et je vous laisse, mes frères, avec cette prière finale :

Si un jour vous croisez un Woke,
Ne le frappez pas.
Offrez-lui un poème.
Ou, à défaut, un houmous maison.
Il vous répondra peut-être :
« Liberté, égalité, sororité. »
Ou pire…
Il vous écoutera.


Alors moi, je vous le dis, chers paroissiens du réel :

Soyons là.
À marcher, encore.
À aimer, toujours.
À lutter, dignement.

Et si cela s’appelle wokisme,
Que cela soit gravé sur ma pierre :

« Ici repose un Woke. Il ne dormait jamais quand l’injustice frappait. »

Amen. Et tofu sur vous.
Et que tous les grincheux rances retournent à leur steak-frites.

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