Deux ministres dans les bras d’un monstre brun.

Tout avait commencé comme une partie de ping-pong. Un duel feutré mais féroce entre deux messieurs bien mis, cravates serrées, mines graves, chacun tentant d’impressionner la galerie avec la formule la plus rance. À gauche, Bruno Retailleau, le regard habité par une flamme venue tout droit de 1950 ; à droite, Gérald Darmanin, sourire en coin, jouant les jeunes vieux croisés contre le grand remplacement. Leur terrain de jeu : les plateaux de Bolloréland, cette grande cour de récré où l’on brandit des mots comme « racisme anti-Blancs », « OQTF », « voile », « ultragauche », « wokisme », comme d’autres, jadis, lançaient des boules puantes.

C’est à qui fera le plus de courbettes au RN sans franchir la ligne (tout en la déplaçant un peu, à chaque passage). Darmanin, fidèle lecteur de Maurras quand personne ne regarde, cite Gramsci pour repeindre de stratégie ce qui n’est que dérive. Retailleau, quant à lui, saute d’un sujet à l’autre comme un cabri sous Red Bull, armé de certitudes aussi lisses qu’un slogan de campagne. Tous deux recyclent les éléments de langage du RN comme des ados copiant les devoirs du mauvais élève devenu populaire.

Et voilà qu’ils se piquent d’originalité ! L’un dénonce « l’antisémitisme d’atmosphère », expression empruntée à Bardella entre deux cafés ; l’autre juge que l’antisémitisme d’extrême droite est « résiduel », comme une vieille grippe dont on aurait gardé un vieux Kleenex. Ils parlent fort, beaucoup, tout le temps, pour éviter qu’on entende les faits. Les faits, eux, s’en fichent : ils continuent de dire que l’extrême droite reste championne toute catégorie des haines raciales.

Mais chut. Faut pas gâcher le jeu. Le grand concours de « Qui sera le plus Facho Compatible ? » continue. Il y a des points à marquer, une primaire à gagner, une présidentielle à préparer. Et si, en passant, on valide les obsessions du RN, c’est juste une case de bingo de plus.

Derrière leurs airs compassés, ces deux-là ont le même rêve humide : faire du fascisme sans en avoir l’air, repeint en bleu-blanc-républicain. Comme s’ils caressaient, eux aussi, l’instant magique où les digues sauteraient pour de bon. Un petit plaisir morbide, partagé entre deux âmes politiques mutilées de scrupules, qui préfèrent flirter avec l’abîme que s’opposer à la vague.

Le pire ? C’est qu’ils y prennent goût. Comme Marc et Catie dans leur soupir de joie, Retailleau et Darmanin goûtent au frisson, à la transgression douce. Une petite mort démocratique, offerte en offrande au grand rêve de dédiabolisation. Pas de sang, pas de cris. Juste deux ministres qui s’aiment un peu trop dans les bras d’un monstre.

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