Ah, que voilà une belle histoire d’amitié républicaine et de coïncidences miraculeuses ! Richard Ferrand, naguère paladin de la Macronie, aujourd’hui grand prêtre du temple constitutionnel par la grâce d’une petite voix d’avance, bénie soit elle, découvre soudain la beauté du discours frontiste. C’est beau comme une conversion sur la route de Damas, sauf que là, c’est plutôt sur la route de l’Élysée, avec Marine Le Pen en guise de Madone des persécutés.
Là où d’autres verraient un conflit d’intérêts aussi gros qu’un banquet de notables, Ferrand, lui, ne voit que des hasards, des petites coïncidences du destin, des conjonctions astrales favorables. Non, il n’a pas envoyé d’émissaire pour rassurer Marine Le Pen sur son avenir judiciaire, ce sont juste des gens qui se croisent, qui discutent, qui se comprennent d’un regard complice. Et puis, soudain, voilà que Ferrand découvre le « gouvernement des juges », ce grand fléau qui, tenez-vous bien, appliquerait la loi ! Quelle hérésie ! Quelle intolérable tyrannie que celle des tribunaux qui osent se mêler de l’inéligibilité des élus !
Et quel miracle encore, mes frères et sœurs en cynisme ! Juste au moment où le Conseil constitutionnel doit se pencher sur la délicate question de l’exécution immédiate des peines d’inéligibilité. Si la décision est favorable, Marine pourra souffler et se préparer à 2027 en toute sérénité. Sinon ? Pas de panique : on ressort la complainte du « système contre nous », on crie à la persécution, on fait vibrer la corde du martyr politique. Car qu’est-ce que la justice face à la Sainte Volonté Populaire ? Un vil complot, évidemment.
Pendant ce temps, Ferrand joue les Ponce Pilate, se lave les mains tout en gardant un œil attentif sur l’encens qui brûle dans le temple du Rassemblement National. Un bon président du Conseil constitutionnel ne juge pas, il accompagne, il murmure, il rassure. Pas de vagues, pas d’indignation, juste une douce musique de compromis et d’arrangements feutrés. Ô divine providence ! Voilà que la Macronie et l’extrême droite trouvent un terrain d’entente. Qui l’eût cru ? Ah mais bien sûr, ce n’est que le fruit du hasard, l’œuvre mystérieuse d’une politique qui ne cesse de nous émerveiller par son insondable hypocrisie.
Ainsi soit-il.
