Sans blague, il est droit comme un i, plus catho que le pape, et son œil perçant sous le sourcil broussailleux respire la probité d’un homme du terroir. Assis sur son banc d’église, un missel dans une main et un dossier bien classé dans l’autre, il incarne la continuité et la sagesse. François Bayrou, le quatrième du nom, celui qu’on n’attendait plus mais qui, tel un miracle républicain, revient toujours au centre du jeu.
Ah, que diable ! En 1993 déjà, sous son auguste regard de ministre et de président de conseil général, l’école Notre-Dame-de-Bétharram connaissait quelques éclats, entre tympans perforés et discipline de fer. Mais notre François n’en sut jamais rien, ou du moins, il le jure aujourd’hui la main sur le cœur et l’autre sur son dictionnaire du bon gouvernement. En 1996, une nouvelle affaire aurait pu troubler le sanctuaire éducatif, mais l’inspection diligentée fut aussi superficielle qu’un bénédicité dominical. Tout allait bien dans la maison de Dieu, et Bayrou put défendre l’établissement avec la ferveur d’un saint patron du privé sous contrat.
Ce même établissement, fort du soutien de quelques proches du notable béarnais dont son suppléant Pierre Laguilhon, ne manqua pas d’audace lorsqu’il s’agissait d’indemniser les victimes. Plutôt que de piocher dans la quête dominicale, voilà qu’on saisit le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-François Denis, pour réclamer que l’État, ce grand bienfaiteur laïc, participe à l’addition. Après tout, puisqu’un contrat d’association liait l’établissement à la République, pourquoi ne pas faire rejaillir la grâce financière sur les péchés des hommes d’église ?
Cerise sur le goupillon : cette requête fut formulée par le directeur lui-même, le père Carricart, plus tard accusé de viols. Mais qu’importe les accusations et les scandales ! L’important, c’est la foi, et surtout celle en l’oubli sélectif.
En vérité mes frères, Bayrou n’a rien vu, rien su, rien entendu. Et à l’heure où les langues se délient, lui continue de prêcher l’innocence, droit dans ses bottes et toujours prêt à dispenser quelques belles leçons de morale républicaine.
